mardi 23 décembre 2008

L'ombre

Une ombre n’est pas en soi. Elle est réaction, résultat, comme l’empreinte révélée du concret par l’équation de la projection lumineuse sur les choses. Elle rend visible par l’immatériel la présence.
Sa condition est le support, comme l’écran plat, l’irrégulier, le mouvant ; solution de la matière sur la matière, elle est le négatif intangible et pourtant perceptible d’une lumière qui l’est tout autant.
N’étant pas, une ombre n’a aucune indépendance propre. Le vivant n’est pas constitué d’ombres ; il en constitue et en est constitutif, en tant que sorte de matière.
L’ombre ne bouge pas mais répète. Miroir irréfléchi de la forme, comme un dessin dont durée et temporalité tendraient vers zéro. Elle est un processus d’enregistrement parfait et absolu, dont l’éphémère rivalise avec la postérité.
L’ombre est négation de couleurs et de textures ; juste contours pleins, aplatie comme une pellicule sombre adoptant pour seul relief celui de la matière réceptive.
Pour autant, et de fait, l’ombre est infidèle au modèle. En tant que produit d’une lumière qui provient et qui conditionne son existence (une lumière omniprésente et totale ne permet pas l’ombre), elle est aussi en ce sens une caractéristique physique d’une absence de néant. De même, c’est en appréhendant son support qu’elle trouve son originalité propre : distorsions, aplats, ablations, coupures… sont quelques uns des instruments dont se targue l’ombre en tant que sculpture du réel.


L’ombre n’est ici pas entière, malgré les apparences dont elle n’est d’ailleurs qu’une émanation, en tant que produit d’une équation.
J’ai coupé, cadrant, l’existence supposée qu’elle induit, sa raison d’être à proprement parlé. Cadrage matricide.
L’ombre est seule et absurde ; n’est pas cadran solaire qui veut.

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